L'intimité à l'heure du confinement.
Le confinement peut avoir été dans un premier temps bénéfique pour le foyer. Chacun a pu profiter de ses proches, de son partenaire, de ses enfants. Partager du temps de qualité ensemble pour se retrouver, échanger, jouer, discuter. Mais, si le confinement dure longtemps, l’ambiance peut devenir plus pesante, plus tendue, notamment par le manque d’espace, le manque de temps pour soi, des rythmes imposés (télétravail, devoirs et cours en ligne), le manque de liens sociaux, le besoin de s’isoler… Bref où en est l’intimité à l’heure du confinement ?
Depuis le début du confinement, il a pu être difficile pour les familles de retrouver un équilibre. L’un des piliers du couple et de la famille qui a pu être mis en branle, c’est l’intimité.
En effet, nous dit Neuruburger, Ce qui manque le plus dans le confinement c’est l’intimité à tous les niveaux. On en bénéficie en temps normal par le travail, le sport, les amis, les loisirs, …
En cette période où nous devons rester chez nous, un déséquilibre se crée.
Pour définir un peu cette notion d’intimité, il s’agit avant tout d’un droit, le droit de disposer d’un territoire dont nous sommes le gérant, auquel personne ne peut accéder sans notre accord.
Cette intimité contient trois composantes :
- Physiques : le corps, la distance physique ou « espace vital », l’argent, la possession, …
- Psychiques : les pensées, les convictions, les rêves, …
- Qui relèvent de l’agir : le domaine de compétences de chacun, c’est-à-dire s’orienter vers des apprentissages spécifiques et des réalisations professionnelles
L’individu commence par s’extraire de sa famille en se construisant des espaces d’intimité (physique, psychique et un domaine de compétence). Ensuite l’individu pioche dans son capital intime pour créer un couple, de là émerge éventuellement l’idée de fonder une famille. Ainsi l’intime individuel passe à l’intime du couple et l’intime familial.
L’intimité familiale : la famille moderne est devenue un monde d’une complexité considérable. Avant c’était simple : un chef de famille et tout le monde devait suivre. Aujourd’hui la famille a évolué et des intimités ont émergé et revendiquent à exister : le couple, la fratrie, et chaque être à l’intérieur de la famille souhaite exister de manière individuelle.
Le territoire d’intimité du couple est fabriqué de ce que chaque membre du couple abandonne de son intimité personnelle pour le remettre au couple. Cela peut être, par exemple, le corps, les vêtements, l’argent, un bien immobilier, … Ce sont des choses qui étaient personnelles et font désormais partie de l’intimité du couple.
Souvent dans les jeunes couples on donne tout et dans les couples recomposés on est plus prudent.
On peut donner également de ses croyances, partager des mythes, des traditions, des idéologies, des rituels, des normes.
Et il y a également une mise en commun des compétences au profit du couple.
La fratrie revendique la même chose. Pour les y aider, on peut par exemple les laisser partager des jeux privés, un territoire (une pièce de jeux ou leur chambre), la complicité, la rivalité, les secrets, les éléments de compétences via les ordinateurs ou la musique par exemple.
Les individus : chacun revendique un espace propre, un droit à avoir ses propres opinions, idées, croyances, compétences (sportives, professionnelles, …).
La famille : qui revendique un territoire également. La maison sur le plan physique. Au niveau psychique ce sont essentiellement les normes véhiculées et également des éléments de compétences partagés (éducation, apprentissage par exemple).
On se retrouve donc à l’heure du confinement, dans une compétition entre pas moins de quatre mondes légitimes d’intimité qui demandent chacun à exister.L’espace limité peut alors amener des difficultés dues notamment à la difficulté de s’isoler.
Peuvent alors éclater des problématiques antérieures qui jusqu’ici restaient latentes et contenues. Peuvent survenir également des conflits liées par exemple à l’envahissement du territoire de l’un par l’autre ou de son domaine d’intimité.
Ainsi, pendant le confinement, il peut être très aidant de délimiter, de cadrer chacun de ces mondes en créant par exemple un agenda, en organisant les journées et en répartissant les temps de chacun. Que chacun puisse également avoir un coin à lui, un espace propre. Que chacun soit reconnu dans son territoire. Espace ou l’autre n’a pas son mot à dire sur ce qu’on y met ou ce qu’on y fait.
Une autre problématique peut être celle de la cohabitation des deux parents, avec une co-parentalité peut être plus importante que d’habitude. Lorsqu’il y a une divergence dans les modes d’éducation, en temps de confinement cela peut prendre encore plus d’espace et venir polluer les relations de couple.
Une bonne méthode peut être l’alternance entre les parents. C’est-à-dire que chacun leur tour, les parents sont responsables de toutes les décisions concernant l’enfant pendant une période donnée et l’autre reste en « vacances parentales ».
Un autre moyen d’apaiser les tensions et de créer du rassemblement de qualité là où le confinement nous pousse à chercher de l’intimité c’est de proposer des réunions sur un modèle associatif avec un président, un secrétaire, un ordre du jour. Chacun doit apporter le sujet qu’il souhaite aborder à l’avance. Cela sert aussi à obtenir de chacun en quoi il souhaite s’engager pour le groupe à faire certaines tâches. Pas de hiérarchie mais un système participatif et d'entraide. Par exemple chacun vient participer à la création du menu de la semaine.
Avec de nouvelles organisations, pourquoi pas voir ce temps de crise comme un moyen de repartir sur un modèle un peu différent ?